Abstracts par auteur > Crasset Olivier

Etude du parcours professionnels des artisans : une approche qualitative cernant les enjeux en termes de santé et de soins
Olivier Crasset  1, 2@  
1 : Centre Nantais de Sociologie  (CENS)
Université de Nantes : UMR6025
2 : Laboratoire d\'Études et de Recherche en Sociologie  (LABERS)
Université de Brest : EA3149

Cette communication montre l'intérêt des méthodes qualitatives de la sociologie dans l'étude des parcours de santé à travers l'exemple des artisans.

Les données quantitatives qui les concernent, en nombre limité, indiquent un paradoxe : tout en étant plus âgés et travaillant dans des conditions moins favorables que les salariés occupant des emplois similaires, les artisans déclarent une santé légèrement meilleure. Mais l'observation de leur quotidien montre que l'usure progressive de leur corps induit des problèmes de santé dont ils ne tiennent pas compte tant qu'ils sont en état de travailler, le plus important pour eux étant que l'activité professionnelle ne s'interrompe pas.

Une série d'entretiens portant sur le parcours biographique, le travail et la santé ont permis d'établir des lignes du temps retraçant le parcours des individus interrogés et d'établir des liens entre des événements relevant de la santé et du travail.

Les résultats montrent une tranformation du rapport au corps au fil de la carrière. Les premières années d'indépendance sont marquées par un engagement physique intense qui compense le manque de moyens matériels. Pour tenir le rythme, l'artisan travaille tant que son corps le porte. Il s'agit de «ne pas trop s'écouter» et de ne pas s'arrêter à la moindre maladie.

Au cours de cette période éprouvante, un réseau de confrères et de clients se met en place au fur et à mesure qu'il fait ses preuves. Dans ce parcours difficile, les abandons, les accidents de travail et les maladies sont fréquents.

Les années passant, l'usure du corps ne peut plus être ignorée car elle menace la poursuite de l'activité professionnelle. Les atteintes à la santé sont telles que leur déni devient impossible. Les artisans essayent de tenir bon dans une logique d'économie du corps. Il faut désormais « s'écouter » sous peine de devoir cesser le travail. Il faut tenir jusqu'à la retraite avec un corps abîmé, mais en disposant désormais de nouvelles ressources.

Celles-ci existent sous la forme d'un réseau de confrères et de clients, d'un outil de production bien adapté et d'une expertise du métier. Là encore, ces nouvelles ressources ne sont pas toujours suffisantes pour pallier la diminution des ressources corporelles, ce qui peut abréger la carrière d'un individu.

L'artisan vieillissant doit aussi prendre conscience qu'il doit changer sa manière de travailler, ce qui est difficile pour un individu dont la socialisation a reposé sur le déni de la douleur et de la maladie. C'est souvent à l'issue d'une période de remise en question que naît le souci de soi.

L'étude des parcours individuels, en croisant la santé et le travail, met en évidence un rapport à la santé typique des travailleurs indépendants qui invisibilise les problèmes de santé. Un même événement de santé sera interprété et soigné (ou non) différemment selon le moment de la carrière où il survient, avec des conséquences à court et long terme. Il semble important que les professionnels de santé en tiennent compte. Ce modèle, établi à partir du cas de travailleurs indépendants, pourrait être adapté à d'autres catégories d'emploi.


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