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Journaux de santé et recueil de données qualitatives : une approche de l'automédication au quotidien
Anne-Lise Le Hesran  1@  , Laurent Brutus  1  
1 : Département de médecine générale, université de nantes
Université Nantes Angers Le Mans

Dans un contexte de réduction des dépenses de santé et de réforme de l'offre de soins, l'année 2008 a représenté un tournant en matière d'automédication puisque, à l'instar des pays anglo-saxons, le gouvernement français a invité les patients à prendre en charge leur santé pour des « situations bénignes » en favorisant le libre accès en pharmacie de certains médicaments disponibles sans ordonnance. Il importe à ce titre de s'interroger sur la manière dont ces métamorphoses du système de soins et recommandations des pouvoirs publics incitant de plus en plus à l'autonomie entrent en résonance avec les comportements d'auto-soin des Français. Pour cela, l'équipe Automed (ANR Automed, université de Nantes) a souhaité mettre en œuvre un dispositif de recherche qualitatif visant à explorer, au plus près des pratiques des habitants de Loire-Atlantique et de Vendée, la façon dont les individus prennent en charge leur santé dans l'intimité de leur domicile.

Un versant de cette enquête a mobilisé la technique du journal personnel, un outil encore peu employé en France dans les investigations relatives au domaine de la santé. Cette approche permet de contourner certains obstacles propres aux méthodologies classiques, à savoir la difficulté à observer d'une part un comportement se déroulant généralement au sein de l'intimité du foyer, donc difficilement accessible à l'enquêteur ; et d'autre part des pratiques jugées si anodines par les enquêtés, si ancrées dans leur quotidien, qu'elles sont susceptibles de n'être ni identifiées, ni explicitées à l'occasion d'un entretien.

Les journaux se révèlent ainsi des instruments de recherche permettant de collecter des informations détaillées sur les comportements et les événements se manifestant dans la vie quotidienne des personnes enquêtées.

Ce journal comprend deux formes : une forme structurée avec des questions permettant une quantification plus aisée des événements journaliers, et une forme non structurée respectant les priorités du participant et qu'il rédige librement. À l'instar d'une observation directe, le participant (ici le patient) est un « acteur » qui décrit au cours du temps ses activités quotidiennes. Il devient également un « informateur réflexif » qui, lors d'un entretien final, développe les informations recueillies par l'intermédiaire du journal et révèle la signification des actions entreprises. L'outil permet donc un enregistrement des informations quotidiennes relatives à la santé tout en formant le support d'une auto-analyse, d'une réflexion sur les formes d'auto-soin mises en œuvre. Adosser un l'entretien final au journal permet de combler des lacunes ou des oublis dans le récit de vie, mais également d'en expliciter les pratiques.

Ce recueil de données à partir de la méthode des journaux de santé a été effectué entre mars 2014 et juin 2015. Nous avons confié aux participants un carnet, pour une période d'un mois, dans lequel ils pouvaient consigner des remarques afférentes à leur état général, bien-être ou problèmes, ainsi que les démarches entreprises dans le dessein de se guérir ou se sentir mieux. Au terme de cette investigation, 48 personnes ont été rencontrées, 44 journaux récoltés, écrits par 27 femmes et 17 hommes de tout âge, formant ainsi un échantillon relativement diversifié.


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