Analyser les parcours de malades chroniques en termes de « carrières »
Ludovic Gaussot  1@  , Estelle Laurent  1@  , Isabelle Ingrand  2@  , Jean-Pierre Escriva  1@  , Pierre Ingrand  2@  , Nicolas Palierne  3@  
1 : Groupe de Recherche et d'Etudes Sociologiques sur les sociétés COntemporaines  (GRESCO)
Université de Poitiers : EA3815
2 : Registre général des cancers de la région Poitou-Charentes [Poitiers]
Université de Poitiers
3 : Centre dÁnalyse et dÍntervention Sociologiques  (CADIS)
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8039

Cette communication procède de la recherche « Machroapi : Maladie chronique, apprentissages, insertions »[1]. Cette recherche vise à mieux documenter l'expérience de la « maladie chronique » sous l'angle des processus d'apprentissage du « métier » de malade. Elle étudie les façons par lesquelles la maladie entre dans la vie des personnes et comment celles-ci gèrent cette intrusion puis sa chronicisation et son installation. L'hypothèse centrale est de poser que les parcours de soins des malades s'insèrent plus ou moins facilement dans leurs parcours de vie et sont source d'inégalités, selon le type de maladie, leur niveau de prise en charge médicale, leur perception sociale, et que cette gestion est, du moins pour partie, le résultat du travail du malade lui-même et de ses proches. L'enquête porte sur trois « pathologies » très différentes : le diabète de type 1 et 2 (maladie typiquement chronique), l'alcoolisme (maladie encore mal définie) et le cancer en l'occurrence colorectal (maladie devenant chronique). Nous visons la réalisation d'environ 250 entretiens semi-directifs auprès de personnes malades et de leurs proches. Il s'agira de présenter les premiers résultats concernant la méthode utilisée, les entretiens biographiques, et l'analyse des matériaux.

La diversité des pathologies retenues doit permettre par hypothèse de les éclairer les unes par les autres, en vue de dégager une ou des carrières « types » dans le parcours des personnes malades, mais aussi des contrastes dans les expériences. Il s'agit de décrire l'influence des temps de la maladie (Ménoret 1999) sur les autres temps de la vie sociale des personnes, en s'intéressant à l'influence des trajectoires de maladie sur les parcours de vie. Notre intérêt se situe davantage du côté de la vie avec la maladie, au domicile, au travail, en loisirs, etc. que du côté de l'hôpital et de la perspective médicale, se focalisant sur le point de vue des malades sur leur maladie et leur quotidien. En effet, le concept de « trajectoire » rassemble l'analyse du cours physiologique de la maladie, l'organisation du travail autour et sur la maladie ainsi que leurs effets sur l'ensemble des individus engagés dans la trajectoire, des professionnels de santé au malade et sa famille (Strauss 1992) alors que celui de la « carrière » analyse objectivement et subjectivement les vécus des malades en tenant compte de leurs dispositions sociales et en identifiant des séquences et des moments communs. On peut ainsi étudier le « métier de patient » (Herzlich, 1992) qui, du fait de la chronicisation, peut à la fois imprégner le parcours de vie mais sans nécessairement l'absorber. Il s'agit de comprendre ce que fait et ce qui fait le malade, certes, mais aussi ce que le malade fait de sa maladie (Darmon 2008). Cette problématique justifie l'utilisation de la méthode biographique, puisqu'il s'agit de dégager la ligne biographique, les événements et les expériences, les moments et les lieux, les interlocuteurs et les institutions, qui jalonnent la carrière des personnes malades.

[1] Dirigée par Ludovic Gaussot (MCF-HDR, GRESCO) et financée par le CPER, le FEDER et, pour la partie cancer, la Ligue nationale contre le cancer


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